Prothèses œsophagiennes

I. Définition

Une endoprothèse permet de reperméabiliser la lumière de l’œsophage quelle que soit l’origine de l’obstruction, et donc de rétablir la possibilité de déglutition et de main- tien de l’état nutritionnel pour le patient. Elle permet aussi de traiter certaines pertes de substances de la paroi œsophagienne, avec ou sans fistule.

II. Matériels disponibles

a) Système de contention par « tricotage » : prothèse « Ultraflex® » (Boston Scientific), dotée d’une couverture plastique fine et souple dont le rôle est d’empêcher ou de retarder l’obstruction par croissance tumorale intrapro- thétique, et dont les 2 extrémités ne sont pas couvertes de façon à garder un système d’amarrage, par impac- tion, dans la muqueuse. Elle peut se libérer par chacune de ses 2 extrémités. Le cathéter porteur mesure 7 mm au diamètre maximum de l’olive distale, le reste de la prothèse étant de diamètre plus fin, mais rugueux, du fait des mailles de tricotage du système de contention. L’ensemble présente une assez grande souplesse et en facilite la pose. Les diamètres disponibles varient de 16 à 23 mm de fût et les longueurs de 9 à 15 cm. Ces prothèses sont en nitinol, métal à mémoire qui exerce une expansion douce et garde une grande souplesse, ce qui lui permet de mieux conserver le péristaltisme œsophagien [1].

Ces prothèses se raccourcissent au moment du largage qui doit être suivi sous contrôle visuel (en réintrodui- sant l’endoscope à côté du cathéter porteur) ou sous scopie (de façon habituelle). Le largage proximal est à conseiller en cas de sténose haute de l’œsophage : on gère ainsi, de façon beaucoup plus précise, la position de la collerette supérieure ; le largage distal est privilégié dans les sténoses basses.

b) Les autres prothèses sont contraintes par une gaine externe : leur libération se fait par retrait de cette gaine et ne se conçoit donc que par l’extrémité inférieure.

– Certaines sont en acier, et tirent leur force d’expan- sion de la conception de leurs anneaux comme la « Z stent® » de Cook. La taille et la rigidité du cathéter porteur sont plus importantes. Son déploiement se fait de manière assez forte, ce qui doit inciter à une certaine délicatesse de manipulation ! Les tailles pro- posées sont de 18 mm de diamètre sur des longueurs de 8 à 14 cm. Les 2 extrémités peuvent être totale- ment couvertes ou équipées d’anneaux non-couverts pour permettre un ancrage dans la paroi œsopha- gienne. Ces prothèses ne subissent pas de raccourcis- sement au largage et ont une très bonne radio-opacité, ce qui en facilite le suivi radiologique au moment du largage. Certaines sont munies d’un manchon souple à l’extrémité inférieure de la prothèse, ce qui assure une fonction antireflux.

Les prothèses en nitinol sur cathéter porteur « Hanaro- stents® » de Life-Europe partners sont en nitinol et entiè-rement couvertes ; pour éviter la migration, elles ont un épaulement assez marqué à chaque extrémité. Les tailles varient de 8 à 16 cm pour des diamètres de 18 mm. Ces prothèses peuvent aussi être équipées d’un système anti- reflux à membranes sigmoïdes internes.

– Les prothèses en nitinol complètement couvertes, « Niti-S® de Taewoong (DB 2 C) », sont très analogues à celles de la société « Life-Europe partners ». DB 2 C propose une prothèse entièrement couverte et munie d’un deuxième grillage externe, pour éviter la migra- tion. La gamme « Niti-S® » est déclinée en prothèses œsophagiennes dans des diamètres de 16 à 24 mm et des longueurs de 6 à 15 cm.

– La firme Rüsch a été la seule à développer une prothèse auto-expansive en plastique : elle est commer- cialisée sous le nom de « Polyflex® » par Boston Scientific. Le cathéter porteur est plus rigide et plus large que ceux des prothèses métalliques (de 11 à 14 mm), et sa force d’expansion radiale plus faible. La face interne de cette prothèse monobloc est lisse et la face externe est finement rugueuse, ce qui lui procure un moindre risque d’impaction dans la muqueuse. La Polyflex® a comme seul système d’amar- rage une extrémité supérieure discrètement évasée. Cette prothèse a des tailles de 16 à 21 mm et des longueurs de 9 à 15 cm.

III. Indications

a) Les principales indications sont les obstructions intrinsèques ou extrinsèques de l’œsophage, quelle que soit la nature histologique de la prolifération maligne, ou son siège exact sur l’œsophage ou à proximité de ce dernier, dans le médiastin. Les endoprothèses ont des indications strictement palliatives en fin de vie et après échec de toutes les thérapeutiques possibles. Les endo- prothèses sont une des possibilités thérapeutiques de ce type de pathologie à côté d’autres modalités endosco- piques telles que les dilatations répétées, le Laser, les sondes bipolaires, les injections de produits sclérosants, la photothérapie dynamique ou la destruction tissulaire au plasma d’argon.

Le choix de l’une ou l’autre peut dépendre de la situa- tion clinique, du caractère anatomique (bourgeonnant, hémi circonférentiel, etc.), de la position sur l’œsophage et, dans une certaine mesure, de l’expérience du centre.

b) Les fistules œsotrachéales, œsobronchiques, œso- médiastinales ou pleurales et les pertes de substance œsophagiennes (souvent secondaires à la radiochimio- thérapie) associées ou non à des fistules sont devenues des indications privilégiées des endoprothèses [2].

c) De moins en moins rarement, les sténoses bénignes

récidivant après de nombreuses dilatations itératives deviennent des indications de prothèses, et pas seule- ment chez des sujets âgés inopérables ou présentant des localisations néoplasiques extra-œsophagiennes [3].

Dans tous les cas, l’indication doit être soigneusement discutée, dans le cadre des Unités de Concertation Pluridisciplinaire, pour les sténoses malignes, en pré- servant le confort psychologique du patient et en infor- mant soigneusement son entourage familial ou après exposé des avantages, des inconvénients et des risques aux patients qui présentent des sténoses bénignes.

IV. Technique de pose

Le patient sera sous anesthésie générale, si possible, intubé en décubitus dorsal strict : dans certains cas, un fil-guide assez rigide doit guider le porteur de la prothèse, et la sténose doit être franchie par un endo- scope : les plus petits endoscopes vont être utilisés de préférence (soit les pédiatriques, soit les nasogastro- scopes). Si le franchissement de la sténose est impos- sible avant la dilatation, on peut s’aider de l’injection (très prudente en l’absence d’intubation trachéale), de contraste par le canal opérateur pour visualiser le trajet ou surtout de la scopie. La dilatation préalable dépend du type de sténose et surtout de la prothèse choisie : le diamètre à atteindre est celui des porteurs, ce qui réduit l’importance ou la nécessité de la dilatation à moins de 8 mm pour la plupart des prothèses, à 11 pour les Hanoro-stents®, à 12 ou 14 mm pour les Polyflex® : le risque de perforation en est ainsi considérablement réduit par rapport aux anciennes prothèses plastiques non expansives [4].

Le passage d’un endoscope va permettre :

  • de faire un bilan anatomique lésionnel : la localisation de la sténose, le type bourgeonnant ou infiltrant de la tumeur, ceci influant sur le choix du modèle de prothèse ;
  • de mesurer la longueur de la sténose, la distance du pôle supérieur au sphincter supérieur de l’œsophage, du pôle inférieur au cardia (le choix de la longueur de la prothèse en résulte) ;
  • de baliser, sous scopie, les 2 extrémités de la sténose sur le thorax du patient en décubitus dorsal par des aiguilles intraveineuses, des trombones ou des élec- trodes d’ECG autocollantes.
    Si le patient est en décubitus latéral, un marquage interne est conseillé (clips ou injection sous-muqueuse de lipiodol), de préférence aux repères externes qui néces- sitent alors l’immobilité absolue du patient ;
  • de laisser en place le fil-guide.

Le largage lui-même va se faire sous contrôle radiosco- pique, par « détricotage » du système de contention (par le pôle proximal ou par le pôle distal) ou par retrait de la gaine de contention, le poussoir étant gardé en point fixe. La bonne position de la prothèse (partie médiane entre les 2 repères radio-opaques) sera vérifiée par radioscopie ou par vision directe de l’extrémité de la prothèse : il est déconseillé de chercher à introduire l’endoscope à travers la prothèse immédiatement après sa libération, ce qui risque inutilement de la mobiliser !

  • en cas de sténose haute, il faut garder une distance de 15 à 20 mm entre le killian et le bord supérieur de la prothèse (intérêt des prothèses à collerette supérieure de seulement 5 mm) ;
  • en cas de sténose basse, il faut éviter de poser la prothèse à travers le cardia ou, sinon, préférer les prothèses munies de systèmes antireflux [5].

Le largage peut aussi se faire sans l’aide de la radio- logie : seules, les distances sont prises en compte par rapport aux arcades dentaires et ramenées aux marques sur le porteur. Si cette technique a été publiée par dif- férentes équipes [6,7], elle n’est certainement pas à recommander en pratique courante !

V. Résultats

1. Lésions malignes

Les résultats sont homogènes dans de nombreuses séries publiées, dont certaines prospectives [8-11], et font état d’une diminution rapide, spectaculaire et significative du score de dysphagie, apprécié selon Atkinson, de plus de 2,5 points. Cette amélioration de la dysphagie est rapide, ce qui permet de réalimenter la plupart des patients dès le soir même de la pose. L’amélioration de la dysphagie sera prolongée par quelques conseils hygiénodiététiques :

  • alimentation hachée ou semi-solide si la mastication est parfaite ;
  • boissons abondantes au cours du repas et gazeuses en fin de repas ;
  • alimentation en position demi assise ;
  • comprimés dissous ou écrasés et gélules ouvertes.

2. Lésions bénignes

Le problème des prothèses métalliques est de n’avoir pas d’extirpabilité réelle et constante [12] même si, dans certaines circonstances, elles peuvent être enlevées (durée de pose courte, prothèses totalement couvertes). Il faut les considérer comme inextirpables et, pour éviter d’avoir une prothèse métallique impactée chez un sujet porteur de sténose bénigne, préférer d’autres options telles que les prothèses auto-expansives en plastique. Les Polyflex® se retirent toujours et donnent de bons résultats dans le traitement des sténoses bénignes, restriction faite des sténoses anastomotiques où les résultats sont décevants [13].

VI. Complications

a) Complications précoces (dans les 4 premières semaines)

  • Les douleurs dues à la capacité d’auto-expansion des prothèses : elles doivent être annoncées aux patients, prévenues ou, sinon, traitées aussitôt après la pose. Des antalgiques majeurs peuvent être nécessaires.
  • Migration précoce : compte tenu des progrès tech- niques réalisés sur les nouveaux modèles, la migration ne doit plus se voir ; les fils de mobilisation permet- tent, en outre, de corriger, au moment de la pose, une position imparfaite.
  • L’obstruction peut être alimentaire et facilement corrigée par une gastroscopie ou exceptionnellement tumorale précoce, et sera corrigée par l’insertion d’une seconde prothèse à l’intérieur de la première.
  • La perforation médiastinale n’apparaît que dans moins de 1 % des cas, et doit être gérée par une équipe médicochirurgicale, la prescription immédiate d’une bi- antibiothérapie étant la règle.
  • L’hémorragie est devenue exceptionnelle depuis le développement des prothèses métalliques.
  • La compression trachéale se rencontre surtout au cours du traitement des fistules et doit être prévenue par la pose première d’une prothèse respiratoire.

b) Complications secondaires :

  • La douleur peut rester au premier plan, et nécessiter la poursuite des antalgiques parfois majeurs.
  • La migration secondaire s’observe surtout avec les prothèses en plastique.
  • L’obstruction (qui se traduit par une récidive de la dysphagie) et les risques d’inhalation pulmonaire augmentent avec le temps écoulé depuis la pose, du fait de la croissance tumorale (et sont ralentis par la présence de la couverture de la prothèse) ou de la perte de souplesse des valves de prothèses équipées de systèmes antireflux.

Dans tous les cas, une deuxième prothèse sera larguée à l’intérieur de la première.

VII. Cotations et prix

Toutes les prothèses sont budgétisées en dehors de la tarification AT2A ; leur prix en est, en outre, fixé à un montant forfaitaire imposé aux firmes.

VIII. Références

  1. Laugier R., Tuvignon N., Laquiere A. Prothèses digestives. EMC 2007
  2. Shin J., Song H., Ko G., Lim J., Yoon H., Sung K. Esophagorespiratory fistula: long-term results of palliative treatment with covered expandable metallic stents in 61 patients. Radiology 2004; 232:252-9
  3. Laugier R. Indications des prothèses dans les affections bénignes du tube digestif. Gastroenterol Clin Biol 2006
  4. O’Donnell C., F. Fullarton G., Watt E., Lennon K., Murray G., Moss J. Randomized clinical trial comparing self-expanding metallic stents with plastic endoposthesis in the palliation of esophageal cancer. Br J Surg 2002; 89:985-92
  5. Laash H.U., Marriott A., Wilbraham L. et al. Effectiveness of open versus antireflux stents for palliation of distal esophageal carcinoma and prevention of symptomatic gastroesophageal reflux. Radiology 2002; 225:359-65
  6. White R., Mungatana C., Topazian M. Esophageal stent placement without fluoroscopy. Gastrointest Endosc 2001; 53:348-51
  7. Ben Soussan E., Antonietti M., Lecleire S. et al. Palliative esophageal stent placement using endoscopic guidance without fluoroscopy. Gastroenterol Clin Biol 2005; 29:755-8
  8. Knyrim K., Wagner U.J, Bethge N., Keymling M., Wakil N. A controlled trial of an expansible metal stent for palliation of esophageal obstruction due to inoperable cancer. N Engl J Med 1993; 329:1302-7
  9. Song H.Y., Do Y.S., Han Y.M. et al. Covered, expandable esophageal metallic stent tubes: experiences in 119 patients. Radiology 1994; 193:689-95
  10. Dumas R., Demarquay J.F., Conio M., Hastier P., Caroli-Bosc F.X., Delmont J.P. Prothèses expansives biliaires et œsophagiennes. Gastroenterol Clin Biol 1996; 20:B145-B151
  11. Bartelsman J., Bruno M., Jensema A. et al. Palliation of patients with esophagogastric neoplasms by insertion of a covered expandable modified Gianturco-Z endoprosthesis; experience in 153 patients. Gastrointest Endosc 2000; 51:134-8
  12. Song H., Lee D., Seo T., Kim S., Jung H., Kim J., Park S. Retrievable covered nitinol stents: experiences in 108 patients with malignant esophageal strictures. J Vasc Interv Radiol 2002; 13:285-93
  13. Evrard S., Le Moine O., Lazaraki G., Dormann A., El Nadaki I., Deviere J. Self-expanding plastic stents for benign esophageal lesions. Gastrointest Endosc 2004; 60:894-900

Cette fiche est parue dans ACTA ENDOSCOPICA 2007; 37(1):94-6
ISBN 978-2-914703-65-9 EAN 9782914703659

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